La thérapie a été mise au point par David Grand, un
psychothérapeute new-yorkais formé en 1993 à l’EMDR par
sa fondatrice Francine Shapiro. David Grand, lui,
utilisait des mouvements oculaires lents et doux. Durant
une séance, en 2003, avec une patineuse artistique qui
n’arrivait pas à accomplir une triple boucle, il
remarqua que celle-ci se sentait bloquée, que son regard
« accrochait » toujours au même endroit. Le génie de
David Grand fut d’immobiliser sa main à cet endroit
précis et d’attendre, afin d’observer ce qui se passait.
La jeune femme visualisa alors un flot d’images et de
traumatismes non remontés jusque-là dans sa thérapie. Le
lendemain, elle appelait le thérapeute pour lui annoncer
qu’elle avait réussi sa triple boucle ! Le brainspotting
était né, résumé ainsi par David Grand lui-même :
« Là où vous regardez influence la façon
dont vous sentez. »
Des chercheurs ont
établi un lien entre le système oculomoteur et les
systèmes de mémoire. Lorsqu’un proche évoque avec vous
un événement passé, ne remarquez-vous pas qu’il regarde
ailleurs, souvent loin derrière vous ? On sait
aujourd’hui que les clignements d’yeux spontanés ne
servent pas uniquement à lubrifier la cornée, mais à
désactiver le système d’attention et à activer le réseau
cérébral, dit « réseau mode par défaut », impliqué dans
l’introspection et l’assimilation de l’expérience
émotionnelle et corporelle. D’autres zones cérébrales
liées à la régulation émotionnelle, à l’expérience de la
douleur ou à la pleine conscience pourraient aussi être
concernées.
En quoi
consiste le brainspotting ? :
Le principe est d’utiliser le champ visuel et les
émotions pour accéder au cerveau « profond » (comprenant
le système limbique, le tronc cérébral, jusqu’à la
moelle épinière), où sont enregistrées les
expériences traumatiques. Le brainspotting permet ainsi
de contourner le cerveau rationnel. Le thérapeute va
d’abord chercher à trouver le « spot » du patient, un
point situé dans son champ visuel, relié à une
activation du système nerveux quand il évoque un
problème. Ce spot permet d’accéder au « bon dossier » et
de « retraiter » le trauma. Le cerveau va digérer
ce trauma et le souvenir va perdre de son intensité
émotionnelle. Le patient ne voit plus l’événement avec
les yeux du moment, mais de l’extérieur. On l’estime
guéri quand il peut retourner dans la situation
traumatisante sans en ressentir les effets physiques
et/ou psychologiques, quand le trauma devient un simple
souvenir narratif.
Déroulement d'une séance :
Le patient est invité à
décrire son problème, puis à remarquer ce qui se passe
dans son corps, avant de rechercher le spot où il ressent
le plus de perturbations émotionnelles ou corporelles:
jambes qui s’agitent, secousses dans le bras,
tremblements, sensation de peur, froncement de sourcils,
déglutition, toux, mouvement de tête, sursaut… Le fait que
cela se produise toujours au même endroit dans le champ
visuel lorsqu’il en parle indique l’emplacement du spot.
La recherche de ce point peut s’effectuer de différentes
façons, avec ou sans l’aide du thérapeute. Une fois que le
spot a été identifié, le patient peut garder le regard
fixé sur la baguette télescopique pointée par le
thérapeute à cet endroit, mais aussi sur le mur ou sur le
sol pendant un long instant, en pleine conscience
focalisée. Il lui est demandé de vivre l’expérience sans
la juger ni essayer d’établir des liens. Une musique ou
des sons naturels peuvent l’aider à se connecter à sa
mémoire et créer une sorte de cocon rassurant face au
thérapeute. Certains patients voient alors des images,
voyagent dans des souvenirs traumatiques… D’autres ont
principalement des sensations corporelles. En général, à
la fin de la séance, le patient se sent plus calme et a
pris de la distance par rapport à son problème.
La posture du thérapeute :
Elle est très différente de
celle adoptée dans les thérapies fondées sur la parole. Le
thérapeute brainspotting est en pleine conscience, comme
son patient, la majeure partie du temps. Assis face à lui,
présent, concentré, silencieux, il se met à l’écoute de
ses émotions et suit l’expérience vécue dans son corps par
le patient en ne le quittant jamais du regard. Il guette
et repère l’activation. Il est, bien sûr, attentif à ce
que lui raconte son patient, mais ne cherche pas à «
savoir ». Pour résoudre un trauma ou un problème, le
cerveau n’a pas besoin d’une explication ou d’une
interprétation. La modification du souvenir peut survenir
durant la séance sans que le thérapeute dise ou fasse quoi
que ce soit. C’est le principe d’incertitude qui doit le
guider, autrement dit le thérapeute doit veiller à laisser
le cerveau trouver l’issue tout seul. L’efficacité du
brainspotting reposerait ainsi sur trois processus qui se
potentialisent : l’accès au cerveau émotionnel et au
corps, combiné à la pleine conscience focalisée et à une «
syntonie » parfaite entre le thérapeute et le patient.
D’où l’importance de se sentir en confiance avec son
thérapeute…